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Compostelle: un chemin de vie ou Le long sillon de la
transformation
- Jamais mes mots
- Ne sauraient être assez beaux
- Pour décrire le camino de Santiago.
- Alors que faire?
- Écrire ou me taire?
- Impossible pourtant de me soustraire!
- Comment pourrais-je passer sous silence
- Cette merveilleuse, cette magnifique abondance
- Qui fait fleurir en moi la confiance?
- Dès lors il me faut d'abord exprimer
- Toute cette beauté, cette enivrante liberté,
- Cette intensité et surtout cette magique simplicité
- Dont je me suis jour après jour délectée...
- Sans oublier cette incroyable générosité
- Qui m'a été maintes fois manifestée.
- Tant de moments inoubliables
- Où l'émotion devient palpable
- Et le coeur, malléable...
- Vivre tant de petites et grandes choses
- Suscite une inévitable métamorphose,
- Engendre presque une osmose :
- Oui, il existe bel et bien,
- Depuis des temps fort anciens,
- Entre le chemin et chaque pèlerin,
- Une intime communion, une intense passion,
- Qui les fait chanter à l'unisson,
- Vibrer au même diapason...
- Comment expliquer tout cela?
- Il faut s'imaginer, marchant pas à pas,
- Vers son but, loin, très loin, là-bas.
- S'imaginer à chaque jour, à chaque heure,
- Admirant ces montagnes, ces villages, ces fleurs
- Qui semblent nous insuffler leur bonheur.
- S'imaginer avançant en pleine lumière,
- Partageant avec des gens de partout sur la terre,
- Et n'avoir pratiquement rien d'autre à faire
- Et, au gré de nos pas, découvrir une multitude d'endroits
- Qu'on laisse à regret derrière soi.
- Ils nous offrent de l'eau, un repas, un toit,
- Mais souvent bien plus que ça :
- Un concert mémorable à San Juan de Ortega,
- Un paysan me cueillant des fraises près d'Astorga,
- Une veuve des plus attachantes à Calzada del Coto,
- Un extraordinaire hospitaliero à Villafranca del Bierzo,
- Et celui si attentionné de Ruitelan, près de O'Cebreiro...
- Mais le camino c'est aussi
- Le vent, le froid, la boue, la pluie
- Et les ronfleurs la nuit...
- C'est parfois avancer à deux kilomètres/heure
- Tellement les pieds, les jambes ont de douleurs,
- Et ce, avec dix kilos sur le dos et sous une intense chaleur...
- C'est avoir de plus en plus faim
- Alors que le prochain village est encore loin
- Et qu'il ne reste qu'un petit bout de pain...
- Pouvez-vous ressentir la fierté éprouvée, l'étape complétée,
- Lorsqu'on réalise la volonté qu'il faut posséder
- Pour pouvoir continuer sans même songer à abandonner?
- Oui, quelle immense et indicible joie
- De découvrir une telle force en soi
- Et de savoir qu'elle sera toujours là...
- Quelle belle preuve du pouvoir de la claire vision
- Comme puissant générateur de motivation
- Conduisant aux plus riches réalisations!
- Peut-être est-ce là le plus grand cadeau
- Que m'a fait Santiago
- Et son incomparable camino.
- A moins que ce ne soit
- Tous les gens que j'ai connus là-bas
- Et qui font désormais partie de moi.
- A vous, mes amis si brièvement croisés,
- Avez-vous seulement idée
- De tout ce que vous m'avez légué?
-
- Il y a ce couple québécois rencontré
- Dans le train vers la félicité.
- Carole et Gaston, des noms à jamais gravés
- Puisque nous avons partagé
- Trois incomparables journées :
- Les premières de cette folle équipée.
- Nous étions à peine lancés
- Sur ce célèbre sentier
- Qu'il me fallait déjà vous quitter...
- D'autres sont venus vous relayer.
- Il y en a tant, impossible de tous les nommer.
- Mais il en est qu'il faut souligner.
- Toi, Grégorio, avec qui je partageais si peu de mots.
- Et toi, Giorgio, qui, selon certains, en avait trop...
- A vous, mon ange Léo, José Manuel, Antonio et Santiago
- Qui avez généreusement porté mon sac à dos
- Lorsque je souffrais de tant de maux,
- Je ne vous remercierai jamais trop.
- Aussi il y a Yolande,Danièla et Marsha,
- Nicole, Pierre, Andrée, Jean et Michel
- Que j'ai pu retrouver à Compostelle.
- Jacques, Jean-Jacques et Bernard
- Qu'il ferait vraiment bon revoir.
- Et enfin, un couple sans pareil, Edith et Michel,
- Dont la grandeur d'âme m'interpelle...
- Et toi, Stéphanie, ma chère amie de Paris,
- Dont la profondeur dépasse largement les années de vie...
- Il y aurait tellement plus à raconter : les refuges dépareillés,
- L'inégale difficulté des sentiers, les repas partagés,
- Les sourires et conversations échangés, les pieds à panser...
- Tant de souvenirs toujours vivaces
- Qui laissent en moi une trace tenace
- Pénétrant loin sous la surface.
- Une trace de plus en plus visible
- Car elle m'a ouvert un univers de possibles,
- Et me rend à chaque instant plus disponible...
- Mais la marque la plus profonde,
- Celle qui calme le mieux mon âme vagabonde
- Déjà prête à repartir de par le monde,
- Est celle laissée par l'enseignement
- Probablement le plus important :
- Celui d'aligner constamment mon comportement
- Sur ce qui compte vraiment,
- Puis de regarder droit devant
- Et d'aller inlassablement de l'avant...
- Car le camino est à n'en pas douter
- Un formidable exercice de priorité aux priorités
- Continuellement répété pour mieux l'intégrer...
- Et pour bien identifier mes priorités
- Les routes d'Espagne m'ont procuré
- Mille occasions de confirmer l'importance d'écouter :
- Meilleure est l'écoute, moins il y a de doute,
- Plus je sais que je suis sur la bonne route.
- Là réside la clé de voûte...
- D'abord indéniablement extérieur,
- Le voyage est donc devenu intérieur
- Et se situe maintenant au niveau du coeur.
- Tel un long, très long sillon,
- Devenant à chaque pas de plus en plus profond,
- Le camino cultive la voie de la transformation.
- Maintenant enfouie, la couche superficielle
- Laisse toute la place pour l'essentiel.
- Voilà pourquoi Compostelle me donne des ailes...
- Ayant terminé son travail de labour,
- Santiago me trace désormais le chemin du retour :
- Devenir moi aussi à mon tour
- Avec ceux et celles qui m'entourent
- Une source de joie, de simplicité et d'amour
- Qui éclaire et embellit chacun de leurs jours.
- Un gros mais très beau défi
- À la hauteur de ce chemin de vie
- Qui me conduit vers l'infini...
Texte et photos de Danielle Leboeuf,
St-Jean-Pied-de-Port à Santiago de Compostela,
Mai-juin 2000
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